Tout le monde parlait de l’R-100

Après un premier vol transatlantique du R-34 en 1919, la Grande-Bretagne s’apprêtait derechef à un voyage en dirigeable au-dessus de l’Atlantique. Mais le R-34 se révélait trop petit pour l’utiliser à des fins commerciales, et donc le Royaume-Uni s’enquit de construire deux autres dirigeables : le R-100 et le R-101. William Mackenzie King – alors premier ministre du Canada – promet assistance au projet. En guise de récompense, le major G. H. Scott, celui-là même qui avait piloté le R-34 lors de sa traversée initiale, débarque donc au Canada pour y choisir un endroit propice pour le port d’attache du futur dirigeable. Le ministre canadien de la défense, J. L. Ralston, propose alors quelques sites, dont un près d’Ottawa, un autre à côté d’Halifax et de Sydney, en Nouvelle-Écosse, de même que le Nouveau-Brunswick et l’île du Cap-Breton. Mais rien n’y fait pour le major – les lieux choisis par le ministre sont par trop éloignés de grands centres…

Bientôt le choix s’arrête sur St-Hubert, une ville située au sud de Montréal. La construction d’un mât – que l’on peut voir sur la photo – est immédiatement commencée le 8 septembre 1928. Une fois la tour assemblée et achevée, elle dépassera l’église de Saint-Hubert de près de quatorze mètres ! Après quelques tests, le mât est prêt à accueillir son hôte d’outremer et, le mardi 29 juillet 1930, le dirigeable quitte l’Angleterre avec 7 passagers à son bord et 37 membres d’équipage. Après quelques petites turbulences au-dessus du Lancashire, le R-100 reprend tranquillement sa route jusqu’en Amérique. Arrivé au-dessus de la côte québécoise, le R-100 subit une avarie assez grave : une perte de gaz dans l’un des ballons et l’aileron droit est légèrement déchiré… Mais qu’à cela ne tienne, le zeppelin continue son voyage. Vendredi matin, le 1er août 1930, à 5h33 du matin avait lieu l’amarrage de l’appareil et la fin mouvementé du parcours. Et, afin de pouvoir mousser la publicité du dirigeable, Montréal revêtit de nombreuses banderoles et pancartes qui souhaitait la bienvenue au R-100. Partout, des souvenirs, de la musique, des cartes postales, des épinglettes… 

Clin d’oeil

Le 21 août 1930, Mary Travers dit La Bolduc s’inspire de ce fait divers pour composer une de ses plus inoubliables chansons Toujours l’R-100. Se moquant de la frénésie qui avait saisi Montréal lors de l’arrivée du R-100, La Bolduc s’imagine déjà tous les produits dérivés qui aboutiront sur le marché : « les culottes l’R-100, les pyjamas l’R-100 Brassières l’R-100, jarr’tières l’R-100« . Mais elle ne sera pas la seule à composer une goualante sur le dirigeable ; Arthur Lapierre composera C’est l’R-100 et La chanson du R-100 (que l’on peut entendre sur ce site) ;  dans la pièce C’est l’R-100, le chanteur en profitera pour souligner au passage que Bennett défît aux élections le gouvernement de Mackenzie King le 7 août (alors que le R-100 flottait toujours au Québec).

La Bolduc – Toujours l’R-100

Hélas, la postérité ne sera pas aussi tendre que le furent les chansons ci-dessus avec le dirigeable anglais. L’année suivant son passage en Amérique, le projet R-100 sera éventuellement abandonné (suite à l’explosion du R-101 au-dessus de la France) et sera taillé en pièces. Le mât d’amarrage à Saint-Hubert ne fera pas de vieux os non plus car il sera rasé en 1937, et sa base dynamitée quelques temps plus tard. Le R-100 n’aura donc pas eu la pérennité que lui annonçait le morceau de La Bolduc…

Paroles

La Bolduc – Toujours l’R-100

Arthur Lapierre – C’est l’R-100

Arthur Lapierre – La chanson du R-100

Discographie

1930 – 78 tours : Toujours l’R-100

Sources