Dis-moi je t’aime, dis-le, dis-le moi – Une chanson éclatée des Beatles à la sauce française

En 1967, la relation entre Lennon et McCartney était encore au beau fixe lorsque le duo commença la composition d’une de ses chansons les plus loufoques. Selon une version, John aurait trouvé un bottin téléphonique dont le slogan était « You know the name, look up the number » (Vous connaissez le nom, trouvez le numéro). Inspiré, Lennon s’était mis en tête d’écrire une pièce ayant une seule strophe, répétée encore et encore, comme un mantra. Après quelques enregistrements, la maquette aurait été laissée de côté pendant près de deux ans; le 30 avril 1969, Lennon et McCartney reprirent You know my name, en y ajoutant des pistes de voix supplémentaires et des effets sonores, gracieuseté de Mal Evans. Fait à noter, Brian Jones des Rolling Stones jouera du saxophone lors des premiers enregistrements de la pièce en 1967; ni George Harrison ni Ringo Starr ne feront partie de cette dernière session en 1969.

You know my name sera enfin endisquée en tant que face B du single Let it Be en 1970. Elle se trouvera également sur les éditions anglaises et étasuniennes de Rarities. Anormalement longue – la pièce originale dure près de six minutes – la chanson débute par des cris, avant de passer à un style de musique plutôt « lounge », suivi de quelques grognements incohérents sinon cocasses, avant de se terminer par un rot! Insolite, Lennon désirait même qu’elle soit lancée sur la face A d’un 45 tours! À ce jour, elle demeure une des pièces les moins connues du répertoire des Beatles.

The Beatles – You know my name (Look up the number)

The Beatles – You know my name (Look up the number) [Anthologie]

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En 1970, Gérard Châtelain (dit Gérard Saint-Paul) sera engagé pour chanter les adaptations françaises d’une dizaine de titres des Beatles. Écrites par Mya Simille et Michel Delancray et loin d’être de simples calques, ces « traductions » joueront souvent avec les sonorités originales afin que celles-ci prennent tout leur sens en français. Pour ce qui est de You know my name, le résultat sera en quelque sorte fidèle à l’original: Dis-moi je t’aime, dis-le, dis-le moi saura garder la même idée de départ, c’est-à-dire un mantra basé sur le titre de la chanson. Il y aura cependant des ajouts pour le moins d’un goût douteux, comme « salope » et même « fuck », entonnés par une seconde voix, et qui semblent absents des paroles qu’on trouve au dos de l’album. S’agirait-il d’une inspiration des musiciens lors de l’enregistrement en studio?

Enfin, il est ironique que Gérard Saint-Paul chantât une version de You know my name, alors que son nom demeure toujours aussi inconnu auprès du grand public. Reste à savoir si on lui dit qu’on l’aime, qu’on le dit, qu’on lui dit…

Gérard Saint-Paul – Dis-moi je t’aime, dis-le, dis-le moi

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Paroles

Gérard Saint-Paul – Dis-moi je t’aime, dis-le, dis-le moi

Sources

  • ENCYCLOPÉDISQUE [www.encyclopedisque.fr] Consulté le 6 juin 2016.
  • LEWISOHN, M. The Beatles Recording Sessions. New York: Harmony Books, 1988, p. 15, 116, 175-194.
  • SHEFF, D. All We Are Saying: The Last Major Interview with John Lennon and Yoko Ono. New York: St. Martin’s Press, 2000.

Gainsbourg et l’hymne national, etc.

À la fin des années 70, Gainsbourg s’acoquine d’un nouveau genre de musique propre à la Jamaïque, le reggae. Après sa première tentative Marilou reggae, sorti sur l’album-concept L’homme à tête de chou, il décide d’enregistrer un disque complet dans le style musical de Bob Marley. Et, pour se faire, Gainsbourg traverse l’Atlantique et se rend à Kingston, capitale du reggae, en compagnie de son manager Philippe Lerichomme. Collaborant avec les Sly Dunbar et Robbie Shakespeare, l’homme à tête de chou aura également à son service les I Threes, choristes des Wailers!  Ce nouvel opus se démarquera surtout par sa chanson au titre éponyme : Aux armes etc.

Serge Gainsbourg – Aux armes et caetera

Évidemment, une Marseillaise à beanie et dreadlocks n’allait pas plaire à tout le monde et cela se fait sentir quelques mois après la sortie de l’album. Michel Droit, journaliste au Figaro, s’insurge contre l’artiste et le fustige de « propager l’antisémitisme » à cause de sa désacralisation du chant républicain. Gainsbourg lui répondra dans un article intitulé On n’a pas le con d’être aussi Droit, dont le passage le plus fin consiste en une allégorie mêlant « l’étoile des braves » (nom pour la croix de la légion d’honneur que Droit avait reçu) et « l’étoile jaune », que Gainsbourg avait dû porter lors de l’Occupation.

Le 4 janvier 1980, alors que Serge Gainsbourg doit se produire à Strasbourg, des parachutistes interrompent l’évènement… La tension monte, que va-t-il se passer ? C’est alors que Gainsbourg s’affiche à la fenêtre, micro en main, et déclare : « Je suis un insoumis qui a redonné à la Marseillaise son sens initial! ». Non content de simplement fustiger les paras présents, il entonnera l’hymne national français, point levé, avant de terminer par un bras d’honneur, bien ressenti, aux militaires.

En décembre 1981, Gainsbourg ira même jusqu’à faire l’acquisition d’un des deux manuscrits de Rouget de l’Isle pour 135 000 Francs. Fait surprenant, l’auteur de la Marseillaise avait lui-même utilisé la formule « Aux armes, citoyens! etc  » afin de ne pas avoir à réécrire le refrain entre chaque strophe… 

Mais, cette Marseillaise à la sauce jamaïcaine, est-elle si scandaleuse qu’on le prétend ? Le 7 juin 1985, alors que Serge Gainsbourg est l’invité d’honneur de l’émission « le Jeu de la Vérité », animé par Patrick Sabatier, une auditrice le prend à parti, en l’accusant d’avoir ridiculisé l’hymne national français. Le chanteur non seulement fera allusion aux similitudes de son texte et de l’original, mais attirera également l’attention sur l’existence de versions antérieures différentes, qui n’avaient pas choqué à l’époque comme la reprise jazz manouche de Django Reinhardt. Mentionnons également au passage que les premières notes sont jouées au début de All you need is love des Beatles… et que le premier détournement de la Marseillaise date de 1792, c’est-à-dire de la même année que l’hymne fut composé!

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Paroles

Serge Gainsbourg – Aux armes et caetera

Discographie

1979 – 45 tours SP : Des laids des laids/Aux armes et caetera

1979 – 45 tours SP : Daisy Temple/Aux armes et caetera

1979 – Aux armes et caetera : Javanaise remake/Aux armes et caetera/Les locataires/Des laids des laids/Brigade des stups/Vieille canaille/Lola Rastaquouère/Relax baby be cool/Daisy Temple/Eau et gaz à tous les étages/Pas long feu/Marilou reggae dub

Sources

  • ANDERSON, D. Serge Gainsbourg’s Histoire de Melody Nelson. Sine loco : A&C Black, 2013, p. 86-87, 108.
  • DESMONS, E. et PAVEAU, M-A. Outrages, insultes, blasphèmes et injures : Violences du langage et polices du discours. Paris : L’Harmattan, 2008, p. 117-120.
  • GUESPIN, P. Aux armes et caetera : La chanson comme expression populaire et relais démocratique depuis les années 50. Paris : L’Harmattan, 2011.