Bruxelles, toujours belle

Le matin du 22 mars 2016, Bruxelles s’activait comme à son habitude. Fière capitale de l’Europe, des moules frites et de la bande dessinée, elle voyait son lot de voyageurs transiter par son aéroport de Zaventem, ses gares de train et de métro. J’avais moi-même marché dans les rues de la Madeleine et de Belliard, je m’étais arrêté à la Grand-Place (où l’on ne jouait pas Mozart), j’avais goûté à une mitraillette belge, dégusté une gaufre nappée de caramel. Fan de Tintin et Spirou depuis ma tendre enfance, j’ai écumé le musée d’Hergé et celui de la bd pour retrouver mon coeur d’enfant. Et puis, c’est arrivé. Un autre attentat après Charlie Hebdo et le Bataclan en France, sanglant et meurtrier, sans raison ni pitié, de la même main décharnée qui égorge au Nigéria, qui brûle en Irak et qui éclate en Turquie…

Après les larmes versées et les morts commémorés, Bruxelles commence à revivre, ses plaies encore vives cicatrisent peu à peu. Toujours dans nos pensées, laissons-nous quelques instants nous faire bercer par quelques chansons qui rappellent des jours plus heureux.

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En 1962, Jacques Brel s’inspirera de la ville de Bruxelles pour créer une chanson éponyme sur son album Les Bourgeois. Le chanteur belge s’y amusera à raconter la vie imaginaire de ses grands-parents dans la capitale belge au début du siècle; son grand-père anticipe la Grande Guerre, pendant laquelle la Belgique deviendra la cause célèbre de l’Angleterre sous le nom de « The Rape of Belgium », pendant que sa grand-mère attend la naissance de son père. Ce dernier fait est peu probable si l’on considère que le père de Brel, Romain, est né en 1883…

Dans ce même Bruxelles, Brel se plaît à décrire la population (« des femmes en crinoline » et « des messieurs en gibus »), ainsi qu’à faire des allusions pseudo-historiques. S’il y a effectivement une place de Brouckère et une place Sainte-Catherine, il n’y avait pas de place Sainte-Justine jusqu’à récemment. En effet, France Brel a réussi à convaincre le ministre Gosuin afin qu’il y ait une place qui porte ce nom. De plus, les omnibus ne se rendaient pas jusqu’à la place Sainte-Catherine, car celle-ci servait de bassin au port de Bruxelles. Enfin, le grand Jacques invente le néologisme « bruxeller », dont la signification reste encore à déterminer. Pour les uns, cela représente Bruxelles, insouciante et en plein essor; pour les autres, c’est le fait de parler en brusseleer, le dialecte propre à la capitale. 

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De son vrai nom Benedictus Albertus Annegarn, Dick est né aux Pays-Bas avant que ses parents ne déménagent en Belgique alors qu’il n’a que six ans. Passionné par la musique et autodidacte, il monte à Paris en 1972 alors qu’il n’a que vingt ans. Bientôt, il sort un 33 tours intitulé Sacré Géranium, dont une des pistes n’est autre que Bruxelles. Mêlant assonances et quelques références à la capitale belge sur un fond de piano mélancolique, ce titre devient rapidement le plus connu et repris de sa carrière. Peu après les attentats, la chanson a connu un regain de popularité comme l’un des symboles de la ville belge par l’entremise de Twitter, avec l’hashtag #BruxellesmaBelle. Pour mémoire, mentionnons qu’Alain Bashung a également repris la goualante.

Alain Bashung – Bruxelles

Dick Annegarn – Bruxelles

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Plus près de nous, la jeune Marie Warnant composera aussi une pièce en hommage à Bruxelles. Née à Namur en 1979, l’auteure/compositrice/interprète belge se fera connaître premièrement en tant que chanteuse du groupe BaliMurphy, avant d’entamer une carrière solo en 2002. C’est trois plus tard, en collaboration avec Vincent Liben, qu’elle sortira son premier disque De un à dix; c’est sur ce même opus que se trouve l’éponyme Bruxelles. Ponctuée d’un battement régulier assez ressenti, la chanson dégage un ton faussement mélancolique; si Warnant accuse sa ville d’être banale, c’est pour mieux prouver qu’elle ne l’est point. Elle parsème sa goualante de références à Bruxelles, en les entremêlant de culture française: si Molière prend Saint-Gilles de haut, Édith chante le boulevard Anspach. D’ailleurs, la jeune artiste semble faire un clin d’oeil aux deux précédents chanteurs: « En capitale, quand elle se cambre devant moi/Ma Belle aux bois » rappelant la première ligne de la pièce d’Annegarn, et surtout « Quand les marquises voient le Châtelain/C’est le Grand Jacques qui prend le train », hommage à Brel et aux îles qu’il a rendu célèbres.

Marie Warnant – Bruxelles

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Le 26 mars, le vieux crooner Johnny Hallyday a chanté Quand on n’a que l’amour pour clore un concert à Bruxelles; la jeune et très prometteuse Léa a entonné une création originale, Il nous reste l’espoir, qui a touché de nombreux internautes. Partout, par l’entremise des médias sociaux, on honore et célèbre la capitale du plat pays, qui est un peu la nôtre désormais.

Paroles

Dick Annegarn – Bruxelles

Alain Bashung – Bruxelles

Jacques Brel – Bruxelles

Marie Warnant – Bruxelles

Sources