Une résolution pour la nouvelle année – Perdre du poids en chansons

Connu jusqu’à alors pour sa physionomie costaude, Georges Brassens perd subitement beaucoup de poids dans les années 60. Cet amaigrissement soudain ne passe pas inaperçu et les journaux à potins en font leurs choux gras. Une rumeur commence alors à se répandre selon laquelle il serait atteint de « ce mal mystérieux dont on cache le nom », c’est-à-dire le cancer. Ne désirant plus défrayer les manchettes nécrologiques, le chanteur sétois crée Le bulletin de santé, sortie sur son neuvième disque, en 1966. Dans cette chanson, Brassens explique que si sa taille s’est amincie, ce n’est pas dû à une maladie, mais bien parce qu’il… fait l’amour frénétiquement. Comme quoi tous les moyens sont bons pour perdre ces quelques kilos en trop qui nous encombrent, et au Diable les régimes !

Brassens profite même au passage pour égratigner ces gratte-papiers en les cocufiant – un thème qui est cher au pornographe du phonographe. Or, souffrant d’une « modestie maladive », il avoue toutefois qu’aucune de ses partenaires ne l’a félicité pour sa performance. Pauvre Georges !

Georges Brassens – Le bulletin de santé

Notons que cette goualante se termine par la strophe suivante: Je suis hanté, le rut, le rut, le rut, le rut. Il s’agit là d’une référence au poème L’Azur, de Stéphane Mallarmé, dont le dernier vers se lit comme suit: Je suis hanté, l’azur, l’azur, l’azur, l’azur

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Quatre ans plus tard, c’est au tour d’Enrico Macias d’endisquer une pièce sur un sujet similaire pour un 45 tours. Écrite par Michel Jourdan et Jacques Demarny, la chanson ne relate pas cette fois-ci d’une perte de poids causée par un excès de sexe, mais bien grâce à un régime en bonne et due forme. S’il est difficile de savoir quelle méthode le chanteur d’origine algérienne suit au juste, on peut noter certains détails: plus de paella, plus de tchoukchouka (une sorte de ratatouille de poivrons, de tomates, d’oignons et de piments, souvent agrémentée d’oeufs) et plus de merguez. Il doit désormais se contenter de thé, de biscottes et de riz bouilli – de quoi décourager les plus téméraires – afin de ressembler à Françoise Hardy. À la fin de la chanson, son complice Martial Ayela a raison de la volonté de Macias en lui offrant un couscous qu’il ne peut refuser…

Enrico Macias – J’ai perdu 25 kilos

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Paroles

Georges Brassens – Le bulletin de santé

Enrico Macias – J’ai perdu 25 kilos

Sources

 

 

Une réconciliation souhaitée pour les fêtes – Noël à Jérusalem

En ces temps incertains où l’annonce du président étasunien de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël a soulevé l’ire d’une partie du Proche-Orient et que la guerre perdure en Syrie, nous ne pouvons que souhaiter une accalmie le plus tôt possible et une réconciliation entre Israéliens et Palestiniens en bonne et due forme. L’espoir d’une paix en Terre Sainte n’est évidemment pas nouveau, et de nombreuses chansons en français ont souligné le désir d’un rapprochement interreligieux. Parmi celles-ci, nous avons retenu Noël à Jérusalem, créée il y a presque cinquante déjà. La genèse de cette pièce commence en 1967, lorsque Israël prend possession de la Cisjordanie pendant la Guerre des Six Jours. Cette conquête permet aux Juifs de pouvoir se rendre au Mur des Lamentations, haut lieu de pèlerinage, dont l’accès avait été restreint voire interdit aux citoyens d’Israël depuis 1948 par la Jordanie.

L’année suivante, en 1968, Enrico Macias se rend en Israël, accompagné d’une équipe de la télévision française afin de filmer Jérusalem du point de vue d’un Juif (c’est-à-dire lui-même), d’un Chrétien et d’un Musulman. Au même moment, Joseph Kessel est lui aussi à Jérusalem pour tourner un documentaire intitulé Un mur à Jérusalem. Un jour, Louis Hazan, le PDG de Phonogram, appelle le natif de Constantine pour lui demander de composer la musique dudit film. Enrico accepte, et part avec sa guitare s’installer devant ce mur de toutes les prières et de tous les espoirs; inspiré par l’exaltation des croyants, il compose une mélodie dont il a le secret. Le lendemain, il reçoit une mauvaise nouvelle de la part d’Hazan: Kessel a déjà trouvé une musique pour son film. Macias conserve sa composition, et retourne en France, où il retrouve un de ses paroliers fétiches, Jacques Demarny. Lorsque ce dernier entend le périple d’Enrico en Terre Sainte, il réagit tout de suite: Pourquoi ne pas composer une chanson sur le Mur à Jérusalem ? Macias accepte et lui suggère d’y représenter les fidèles des trois religions monothéistes, réunis pacifiquement pour un Noël… à Jérusalem.

Enrico Macias – Noël à Jérusalem

Pour la petite histoire, les disc-jockeys de l’époque mirent la goualante dans la même catégorie des chansons de Noël comme Petit Papa Noël, au lieu d’y voir un hymne, une prière pour la paix au Proche-Orient.

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Paroles

Enrico Macias – Noël à Jérusalem

Sources

  • ZEITOUN, F. Toutes les chansons ont une histoire : Petite chronique des tubes d’avant-guerre à nos jours. Paris : Ramsay, 2000, p. 108-110.

Droits d’auteur

  • La photo utilisée en couverture est une création de Peter Mulligan.