Aller simple vers une carrière – Le poinçonneur des lilas


AttachmentImage.ashxÀ la fin des années 50, Lucien Ginsburg est accompagnateur au piano dans certains cabarets, comme le Milord l’Arsouille. Peintre de profession, c’est cependant grâce aux tintements des touches d’ivoire qu’il arrondit les fins de mois… Mais derrière ce timide pianiste se cache un ambitieux artiste qui ne demande qu’à éclore. Encouragé par le parolier Francis Claude, Gainsbourg se produit en public et crée alors Le poinçonneur des lilas. Fort de cette première étape, il sait désormais que son rêve est accessible et il vient d’en subir les premiers transports ; brûleront ainsi les toiles de Lucien pour produire les crépitements de Serge. En effet, non seulement abandonnait-il l’art graphique au profit des réjouissances d’Euterpe dans cette métamorphose, mais l’homme à tête de chou se rebaptisait « Serge Gainsbourg », car Lucien était selon lui un prénom qui faisait trop garçon coiffeur pour rombières à bagouzes.

Serge Gainsbourg – Le poinçonneur des lilas

 S’inspirant de la vie des poinçonneurs des stations de métro – remplacés par des tourniquets en notre ère moderne – Gainsbourg dépeint un tableau aussi sombre qu’un tunnel : l’ennui guette, mine et plombe notre pauvre employé des gares. Les pages du Reader’s Digest ne feront que lui présenter d’avantage un monde ensoleillé, loin du triste boulot quotidien. Et bientôt les petits trous lui suggèrent d’en faire un dernier, tout près de la tempe…

Si Gainsbourg a écrit et composé la chanson (grâce aux arrangements d’Alain Goraguer, il faut le souligner, qui sortira un disque intitulé Du Jazz à la Une en 1958 avec le morceau en version instrumentale), il ne sera cependant pas le premier à l’endisquer. Cet honneur revient aux Frères Jacques, dont la version précède de quelques semaines à peine celle de l’homme à tête de chou.

Les Frères Jacques – Le poinçonneur des lilas


Mais là ne s’arrête pas le palmarès qu’engendre cette première création : reprise par plusieurs autres à la même époque – dont
Jean-Claude Pascal et Philippe Clay – la goualante permettra à Hugues Aufray de décrocher le premier prix d’un concours organisé par Europe 1 ! Et comme si cela n’était pas suffisant, c’est son maître à penser, Boris Vian, qui l’encense dans un article du Canard Enchaîné, daté du 12 novembre 1958 : « Allez, lecteurs et auditeurs prêts à bailler CONTRE, contre les fausses chansons et les faux de la chanson, tirez deux sacs de vos fouilles et raquez au disquaire en lui demandant le Philips B76447R« . On peut également entendre Bourvil fredonner le refrain dans le film La Grosse Caisse d’Alex Joffé (1965) ; après tout, le comédien interprète, aux côtés de Paul Meurisse, un poinçonneur de la RATP…

Clin d’oeil

Mais Gainsbourg aime bien la dérision, si ce n’est également l’auto-dérision. Lors de l’émission Premier Avril, diffusée le 1er avril 1966, un présentateur (Jean Yanne, semble-t-il) nous informe qu’il y a du nouveau dans la vie du poinçonneur des lilas. Et en voici la preuve :


Mais là ne saurait s’arrêter la beauté de la chose, puisque des travaux récents à Paris vont permettre le rallongement de la ligne de métro actuelle. Et une des nouvelles stations aura pour nom Les Lilas – Serge Gainsbourg. Que pensez-vous que siffloteront les usagers du métropolitain en voyant le wagon s’approcher avec ses petites roues, ses petites roues, toujours ses petites roues…

Paroles

Serge Gainsbourg – Le fossoyeur du cimetière de Pacy-sur-Eure

Serge Gainsbourg – Le poinçonneur des lilas

Discographie

Pour Serge Gainsbourg

1958 – 45 tours EP : Le poinçonneur des lilas/Douze belles dans la peau/La femme des uns sous le corps des autres/Du jazz dans le ravin 

1958 – Du chant à la une! : Le poinçonneur des lilas/La recette de l’amour fou/Douze belles dans la peau/Ce mortel ennui/Ronsard 58/La femme des uns sous le corps des autres/L’alcool/Du jazz dans le ravin/Charleston des déménageurs de piano

Sources

  • BOUVIER, Y.F. et VINCENDET, S. L’intégrale et caetera. Paris : Bartillat, 2005, p. 267.
  • PEREY, I.C. 120 Chansons que l’on fredonne : Petites histoires & anecdotes. Paris : Éditions Didier Carpentier, 2008, p. 112-114.
  • ENCYCLOPÉDISQUE [www.encyclopédisque.fr] Consulté le 23 mai 2014.
  • NOUVEL OBS [http://leplus.nouvelobs.com/contribution/817012-une-station-de-ma-tro-serge-gainsbourg-la-musique-est-sur-la-bonne-voie.html] Consulté le 23 mai 2014.