Après la révolution bolchévique de 1917, de nombreux Russes ont émigré en France afin de fuir la terreur rouge. Désirant refaire leur vie sous de nouveaux auspices au sein de la République, ils doivent désormais se trouver un travail pour gagner leur croûte. Rapidement, certains troquent leurs montures pour des taxis de façon toute naturelle: la souplesse des horaires aurait permis aux militaires et aux aristocrates de se dévouer à la cause qui leur tenait le plus à coeur – sauver la Mère Russie des mains des Communistes. Ainsi, il y a bientôt plus de 3 000 chauffeurs de taxis russes, dont la moitié se trouve à Paris. Dans les années 50, il n’en restera plus que le quart en service, mais l’image du « chauffeur cosaque » restera longtemps dans les esprits. Peuple connu pour ses prouesses guerrières et sa grande habileté à monter des chevaux, les cosaques n’ont-ils pas justement toutes les qualités pour conduire à Paris en pleine heure de pointe?
En 1969, Henri Salvador décide de brosser un portrait humoristique de cette situation dans sa chanson Da da niet niet niet. Portant une papakha, une barbe postiche et un long manteau de fourrure, le chanteur passe en revue tous les clichés associés aux Russes : caviar, samovar et même la roulette… Anecdote intéressante, il faut noter qu’il ne restait plus au début des années 70 qu’un seul chauffeur cosaque, âgé de 92 ans! C’est à se demander s’il aurait pu prendre la chanson pour un hommage personnel. Enfin, Salvador conclut cette goualante avec un soupir de dégoût à l’idée qu’une princesse russe soit désormais vestiaire, et ce, pour une clientèle petite bourgeoise. Eh oui, l’immigration chambarde souvent le statut social. Pensez-y la prochaine fois que vous prendrez un taxi – qui sait, ce sera peut-être un prince nigérian ou un sultan marocain qui vous conduira!
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En 2002, Séverine lance son quatrième album en français intitulé Retour à Paris et, parmi les pistes de son nouvel opus, il y a Grand-papa cosaque. Dans cette pièce, la chanteuse évoque un grand-père cosaque désirant revoir sa grande Russie et qui pourtant ne la reverra jamais. L’évocation de Petrograd puis de Saint-Pétersburg n’est pas anodine puisque c’est après l’exode des Russes blancs que la ville autrefois bâtie par Pierre le Grand sera renommée Leningrad. Et que faisait ce cosaque en France?
T’as pas fait trente ans de taxi pour être enterré à Paris
Séverine – Grand-papa cosaque
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Paroles
Henri Salvador – Da da niet niet niet
Sources
GORBOFF, M. La Russie fantôme: l’émigration russe de 1920 à 1950, L’Âge d’homme, 1995, p. 44-45.
ENCYCLOPÉDISQUE [www.encyclopedisque.fr] Consulté le 2 janvier 2016.