Les 100 ans de Suzy Delair

Le 31 décembre 1917 nait Suzanne Pierrette Delaire dans le 18e arrondissement de Paris, dans une famille modeste. Sa mère, Thérèse Nicola est couturière et son père, Clovis-Mathieu Delaire, est quant à lui brossier. Elle est d’abord apprentie-modiste, mais la scène est l’étoffe dont sont faits ses rêves; la jeune Suzy aspire à être une artiste. Rapidement, la jeune femme s’illustre au music-hall et au théâtre alors qu’elle n’a que seize ans, se faisant remarquer par des légendes comme Marie Dubas ou Mistinguett. Bien vite, elle passe devant la caméra, enchaînant quelques petits rôles au début des années 30 (notons au passage une apparition dans La dame de chez Maxim’s d’Alexandre Korda). Mais c’est dans l’opérette que la pétillante Suzy se fera un nom, avec sa voix claire de mezzo-soprano et sa candeur rafraichissante.

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C’est véritablement dans les années 40 que Suzy Delair atteint son apogée, en tournant pour son amant Henri-Georges Clouzot; elle incarne Mila Malou – une aspirante vedette – dans deux films mettant en vedette Pierre Fresnay dans le rôle de Monsieur Wens (L’assassin habite au 21Le dernier des six). Sa nature enquiquineuse, mais dotée d’un charisme indéniable, transparait à l’écran. Si elle est désormais une star, son éclat est malheureusement terni par une affaire assez grave: sous l’Occupation, elle manifeste des sympathies pro-allemandes, allant même jusqu’à visiter le troisième Reich en compagnie de plusieurs autres artistes, comme Albert Préjean, René Dary ou Danielle Darrieux. À la Libération, Delair est emprisonnée trois mois avant d’être enfin relâchée. Puis, en 1946, la grande dame reprend avec Clouzot en partageant la vedette avec Bernard Blier et Louis Jouvet dans l’excellent Quai des Orfèvres, qui met une fois de plus son talent de chanteuse à l’avant-scène. Suzy Delair y interprète deux goualantes taillées sur mesure pour elle, gracieuseté d’André Hornez et de Francis Lopez. 

Suzy Delair – Avec son tra-la-la

Suzy Delair – Danse avec moi

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Puis, dans les années 50 et 60, elle enchaîne quelques rôles au grand écran, comme dans Lady Paname, où elle incarne une artiste de la Belle Époque (comme la grande Mistinguett qui l’avait découverte), Gervaise de René Clément ou encore Rocco et ses frères de Visconti. Parallèlement à sa carrière d’actrice, Suzy Delair continue de chanter, interprétant des classiques de la chanson française ou des chansons-titres de ses films (Du t’ça dans Lady PanameTu peux pas t’figurer dans Atoll KMoi, j’coûte cher dans Gervaise). Après avoir joué la femme de Louis de Funès dans Les aventures de Rabbi Jacob, ses apparitions au cinéma et à la télévision se feront désormais très rares. La grande dame a depuis tiré sa révérence, et accumule les honneurs qui lui sont dus. Ainsi, en 2004, la Cinémathèque française lui rend hommage en présentant plusieurs de ses films; on réédite ses succès passés (Suzy Delair: Lady Paname en 2006) et la République française lui octroie le grade d’Officier de la Légion d’honneur en 2007. 

Nous aimerions profiter de son centenaire pour lui souhaiter un très joyeux anniversaire !

Suzy Delair – Du t’ça

Suzy Delair – Tu peux pas t’figurer

Suzy Delair – Moi, j’coûte cher

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Paroles

Suzy Delair – Avec son tra-la-la
Suzy Delair – Danse avec moi
Suzy Delair – Du t’ça
Suzy Delair – Moi, j’coûte cher
Suzy Delair – Tu peux pas t’figurer

Sources

  • BOROWICE, Y. Les femmes de la chanson: deux cents portraits de 1850 à nos jours. Paris: Éditions Textuel, 2010, p. 63.
  • CERTIFICAT DE NAISSANCE DE SUZY DELAIR [http://www.cineartistes.com/?page=images&id=1278&type=3] Consulté le 2 janvier 2018.
  • COSTON, H. L’âge d’or des années noires: Le cinéma, arme de guerre ? Publications H. Coston, 1996, p. 97.

Je cherche après Titine… et je l’ai trouvée!

En 1917, la Grande Guerre rage en Europe et la France est en première ligne. Mais qui dit conflit, ne dit pas forcément la fin de la vie mondaine. Un trio de paroliers – Marcel Bertal, Louis Maubon et Henri Lemonnier – de même que le compositeur Léo Daniderff conjuguent leurs efforts respectifs pour composer une chanson humoristique qui aura un certain succès, Je cherche après Titine. Créé par Gaby Montbreuse, le morceau traite de la recherche inexorable qu’effectue le narrateur pour retrouver Titine qui, malgré des images qui pourraient rappeler une femme – comme un collier – n’est autre qu’une chienne! Près d’une décennie après ce premier succès, le duo Bertal-Maubon et Daniderff récidivent en 1926 avec J’ai retrouvé Titine. Mais, ironie du sort, cette nouvelle mixture est malheureusement aujourd’hui très difficile à trouver… Des deux plus anciennes versions disponibles, il y a celle de Léonce et de Marcelly. Si ce dernier semble chanter les paroles originales, la Titine de Léonce paraît bien plus humaine puisqu’il l’accuse de le faire cocu!

Marcelly – Je cherche après Titine

Léonce – Je cherche après Titine

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1917, c’est aussi l’année pendant laquelle les États-Unis entrent en guerre aux côtés de la France et de l’Angleterre. Alors qu’ils sont stationnés en France, les soldats de l’oncle Sam entonnent la chanson et elle devient, tout comme Quand Madelon pour les Poilus, leur hymne non-officiel. La goualante restera assez longtemps populaire puisque Charlie Chaplin lui-même l’emploiera sur pellicule dans Les Temps Modernes, un film datant de 1936. Dans une scène plutôt loufoque, Charlot doit interpréter la chanson devant public mais il perd malencontreusement les manches de chemise où sont inscrites les paroles; il improvise donc un mélange d’italien et de français, au grand plaisir des clients qui n’y voient que du feu. 

La chanson ne tombe toutefois pas en désuétude puisque nombre de différents artistes reprendront avec succès la pièce originellement créée par Gaby Montbreuse. En effet, la reprise d’Andrex en 1958 semble insuffler une seconde vie au morceau, repris entre autres par Yves Montand (1959), Anny Flore (1959), Les Célibataires (1964) et Georgette Plana (1971) pour ne nommer que ceux-là. Si la version de Montand est plutôt jazz – il se permet de faire du scat une fois le refrain entonné – Andrex présente une variante où il est évident, à la fin, qu’il s’agit d’un amour de race canine ! 

Yves Montand – Je cherche après Titine

Andrex – Je cherche après Titine

Clin d’oeil

En 1963, le grand Jacques sort la chanson Titine, dans laquelle il rend hommage à la création de Bertal-Maubon-Lemonnier. Dans sa version de la goualante, le chanteur belge court après une Titine bien humaine – et non un chien – qui l’avait quitté des années auparavant pour voir un film… de Charlot, référence évidente à l’utilisation de la chanson par la star des Temps Modernes. Brel se permet même d’en rajouter, en critiquant l’apparence de cette flamme volage en la comparant au personnage de Chaplin: « T’es un peu moins tentante/Puis tu marches comme Chaplin/Puis t’es devenue parlante »!

Jacques Brel – Titine

 

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Spirou et Fantasio - Je cherche après tétine

Enfin, n’oublions pas de mentionner Franquin, qui en 1967 se permet de détourner la chanson à son tour. Alors que Zorglub a été réduit à l’état mental d’un bambin, le comte de Champignac, ainsi que les intrépides Spirou et Fantasio doivent s’occuper de lui, le nourrir, le bercer et tutti quanti. Et que fredonne le célèbre rouquin en préparant un lait chaud?

Paroles

Andrex – Je cherche après Titine

Jacques Brel – Titine

Léonce – Je cherche après Titine

Marcelly – Je cherche après Titine

Yves Montand – Je cherche après Titine

Sources

  • CALVET, J.-L. Cent ans de chanson française. Paris: L’Archipel, 2008, p. 298.
  • DU TEMPS DES CERISES AUX FEUILLES MORTES [http://dutempsdescerisesauxfeuillesmortes.net/50_chansons/27_je_cherche_apres_titine.htm] Consulté le 6 juin 2015.
  • ENCYCLOPÉDISQUE [www.encyclopedisque.fr] Consulté le 11 juin 2015.

Remerciements

Merci aux utilisateurs Youtube GAMBLINGSHIP, AVANTI LAMUSICA, KOSTEPENDRHS et MAX26111000.