La ballade des Dalton

Lorsque Lewis Dalton et sa femme Adaline quittèrent le Kentucky pour les verts pâturages du Missouri, c’était pour y chercher fortune. Bien vite, le couple s’installera pour de bon à Coffeyville, à la frontière du Kansas, pour y élever leur quinze enfants. Après la mort de leur père, la plupart des frères Dalton s’engagèrent dans les services de l’ordre, comme deputy marshal (un agent de police fédérale). Mais la ligne était mince entre service de l’ordre et banditisme à l’époque; Bob et Emmett Dalton succombèrent aux attraits de la vie de hors-la-loi. Formant leur premier gang, les deux frères prirent refuge au Nouveau-Mexique (alors un territoire), puis en Californie, pour rejoindre leur frangin Bill. Rapidement, Grat perdra son emploi de marshal après un vol de chevaux et ira lui aussi en Californie. Le 6 février 1891, les Dalton attaquèrent un train de la South Pacific dans l’espoir de subtiliser le magot qui s’y trouvait; malheureusement pour eux, ce premier braquage se solda par un échec. Poursuivis par la loi, les frères Bill, Bob et Emmett décidèrent de repartir pour l’est, choisissant le Indian Territory (l’Oklahoma actuel) pour y commettre leurs méfaits à venir. Le 18 septembre de la même année, Grat se sauva du convoi qui devait le mener à la prison fédérale, et rejoignit ses frères. Le gang des Dalton étaient de nouveau réuni, mais pas pour longtemps…

Tout devait se décider le 5 octobre 1892, le jour où les frères s’étaient donné pour mission de dévaliser deux banques, la C. M. & Condon Company et la First National Bank, à Coffeyville. Bob et Grat, ainsi que leurs deux associés Bill Power et Dick Broadwell, furent descendus sur place; Emmett fut criblé de 23 balles mais parvint tout de même à survivre. Après quatorze années passées en prison, ce dernier fut pardonné et s’établit pour de bon en Californie, où il exerça de nombreux métiers. Il s’assura d’immortaliser le gang duquel il faisait partie dans un roman écrit en 1931; le long-métrage inspiré du livre sera tourné en 1918, When the Daltons rode. Bill, quant à lui, continuera sa vie d’hors-la-loi jusqu’au 8 juin 1894, lorsqu’il restera sur le pavé après une rencontre avec un représentant de la justice. C’était la fin des Dalton… ou presque!

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En effet, les Dalton passeront à la postérité, mais d’une façon bien particulière. C’est grâce à un bédéiste d’outre-Atlantique que Bill, Bob, Grat et Emmett deviendront connus de tous. C’est après un voyage aux États-Unis que Morris apprend l’existence des frères Dalton et se documente à leur sujet. En 1958, les « cousins » Dalton feront une brève apparition dans l’album de Lucky Luke, Lucky Luke contre Joss Jamon. Et il n’en fallait pas plus pour que Joe, Jack, William et Averell soient la coqueluche des lecteurs du journal de Spirou. Et pour cause! Le caractère irascible de Joe ainsi que la bêtise ronflante d’Averell sont la véritable source du succès des Dalton, une recette que saura exploiter Goscinny avec brio. Bientôt, les quatre frères seront les protagonistes de nombreuses aventures de Lucky Luke, et auront même droit à quelques films, ainsi que leur propre série télévisée.

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C’est en 1967 qu’un jeune Joe Dassin – il n’a que 29 ans à l’époque – enregistrera sa célèbre chanson Les Dalton. La goualante illustre bien certains thèmes propres au Far-West – des limes pour les barreaux de prison, des cordes de lin pour les pendaisons – et le refrain lui-même rappelle les chevaux qui étaient le moyen de locomotion par excellence des desperados. Plus inspirée de la bande dessinée que des frères Bill, Bob, Grat et Emmett, la chanson se clôt de façon plutôt rigolote: Ils se livrèrent eux-mêmes pour toucher la prime/Car ils étaient encore plus bêtes que méchants.

Le groupe belge La Marque Jeune reprendra cette pièce dans les années 80, et s’amusera également à jouer Les Dalton devant public, à la télévision. Enfin, plus récemment, le groupe The Joe’s Wanted interprètera lui aussi la célèbre pièce de Joe Dassin.

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Paroles

Joe Dassin – Les Dalton

La Marque Jeune – Les Dalton

Sources

The no no song – La chanson des refus

Issu des entrailles du country, Hoyt Wayne Axton sut laisser sa modeste marque dans les annales de la musique. Sa mère, Mae Boren Axton, avait été avant lui une grosse pointure de Nashville, célèbre surtout comme personnalité publique et pour avoir co-écrit le hit planétaire d’Elvis Presley, Heartbreak Hotel. Mêlant son country natal aux saveurs du folk californien, le jeune Hoyt se démarqua en écrivant des pièces pour le Kingston Trio (Greenback Dollar) et Steppenwolf (The Pusher). En 1975, il signe une création plutôt humoristique intitulée The no no song, qui sera créée par le renommé batteur des Beatles, Ringo Starr, pour son album Goodnight Vienna.  

Ringo Starr – The no no song

La chanson en a certainement fait sourire ou sourciller plus d’un… Et pour cause : le narrateur se plaît tour à tour à refuser de la marijuana de Colombie, de la cocaïne d’Espagne et du moonshine (alcool frelaté) de Nashville car cela ne lui fait plus, prétextant que chaque lendemain devenait plus difficile après chaque excès. La ritournelle a été joyeusement accueillie par le public étasunien, atteignant le top 3 au hit-parade. Y aurait-il donc une corrélation entre popularité, musique et l’usage de stupéfiants ?

Reprises

La mélodie simple et efficace ne tombe cependant pas dans l’oreille d’un sourd et, en France, Pierre Delanoë rédige déjà les paroles d’une version française. Ou disons plutôt une adaptation de toutes pièces. Il s’agira de « Moi, j’ai dit non« , créée par un certain Joe Dassin. Le morceau n’a plus rien à voir avec la consommation de drogue, mais plutôt des prises de position d’un homme sans ambition (voire même anarchiste) par rapport aux thèmes de l’argent, l’amour et la gloire. Le ton reste comique car le narrateur en question va a contrario de ce que l’auditeur aurait sûrement fait. Refuser Marilyn en mariage ? Bien sûr, Joe, bien sûr…

Joe Dassin – Moi, j’ai dit non

Au Québec, une autre copie point sous la plume d’un certain « C. Tremblay » qui reste encore difficile à identifier aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, c’est Robert Demontigny qui sera l’interprète de cette adaptation-ci. Mais si la version originale fait mention d’un refus aux drogues, et celle de Delanoë/Dassin décline les honneurs, Demontigny fait l’éloge de la fidélité conjugale et abjure les aventures au nom de ses douze enfants. Enfin, jusqu’à ce qu’il trouve sa femme dans les bras de son meilleur ami… 

Robert Demontigny – Je suis un mari fidèle

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Paroles

Joe Dassin – Moi, j’ai dit non

Robert Demontigny – Je suis un mari fidèle

Sources

  • KINGSBURY, P., McCALL, M. et RUMBLE, J. W. The Encyclopedia of Country Music [2e Ed.]. New York : Oxford University Press, 2012, p. 21.