Ça fait d’excellents Français…

En 1939, la Seconde Guerre mondiale éclate en Europe juste après l’invasion de la Pologne par l’Allemagne. La France, alliée À Varsovie, déclare la guerre à Hitler avec les conséquences que nous connaissons. Afin de rallier les troupes, de fouetter le moral de la soldatesque et des autres Français, plusieurs écrivent des chansons qui exhortent le caractère national. 

Parmi celle-ci, mentionnons Ça fait d’excellents Français, née de la plume de Jean Boyer, composée par Georges Van Parys et créée par l’homme au canotier, Maurice Chevalier.

Maurice Chevalier – Ça fait d’excellents français

Dans cette goualante farouchement patriotique, on oppose premièrement les classes sociales auxquelles appartiennent le Colonel (finance), le Commandant (l’industrie), le Capitaine (l’assurance), le Lieutenant (l’épicerie), le « Juteux » Adjudant (huissier de la Banque de France), le Sergent (boulanger, pâtissier), le Caporal (l’ignorance ?) et le 2e classe (rentier).

Puis, après les avoir décrit d’un certain âge, assez pour faire une liste de toutes leurs maladies, recommence une opposition des soldats : leur appartenance politique. Si le Colonel appartient à l’Action Française (extrême-droite traditionnelle), le Commandant est un modéré, le Capitaine pour le diocèse (donc religieux), alors que le Lieutenant était anti-clérical, le « Juteux » Adjudant un extrémiste (un anarchiste ?), le Sergent est socialiste, le Caporal plutôt indécis et, enfin, le 2e classe au PMU (pari mutuel urbain… des courses de chevaux !).

La conclusion ? Malgré les différences qui les séparent, les Français sont ralliés par leur amour commun de la République et leur désir de protéger leur patrie, comme le fit la génération précédente : Oui, tous ces braves gens/Sont partis chichement/Pour faire tout comme jadis/C’que leurs pères ont fait pour leurs fils.

Clin d’oeil

Dans un morceau resté pourtant inédit (Honte à qui peut chanter), Georges Brassens s’amuse à mentionner plusieurs titres de chansons qui ne sont pourtant pas siennes, allant de Trenet à Vian, en passant par Brel. Un interlocuteur reproche vraisemblablement à Brassens son inaction face à des conflits et des situations dangereuses, ce à quoi Brassens répond par une boutade. Ancrée à une chanson populaire de l’année même où la situation se serait déroulée, ladite boutade va a contrario de ce qu’on attendrait du patriote. Et évidemment, la goualante de Momo de Ménilmuche en prend pour son rhume  : 

Et dans l’année quarante mon cher que faisiez-vous ?
Les Teutons forçaient la frontière, et comme un fou
Et comme tout un chacun, vers le sud, je fonçais
En chantant « Tout ça, ça fait d’excellents Français ».

Il semble que Brassens n’ait pas été le seul à avoir fait une référence à la chanson. Dans l’album Astérix et les Normands, Goscinny aurait glissé un clin d’oeil au morceau patriotique. Entonnée par Assurancetourix devant une horde de Vikings, la goualante pétrifie ces derniers de peur ; ne pouvant plus se contenir devant les prouesses prosodiques du barde, les Normands n’ont qu’une seule option : se jeter de plein gré à la mer !

Tout ça, ça fait d'excellents gaulois

Paroles

Maurice Chevalier – Ça fait d’excellents Français

Georges Brassens – Honte à qui peut chanter

Sources

  • GOSCINNY, R. et UDERZO, A. Astérix et les Normands. Saint-Amand : Dargaud, 1992, p. 46.
  • [http://www.mage.fst.uha.fr/asterix/chanson/variete.html#francais] Consulté le 6 février 2014.

Avez-vous vu Mirza ? Oui, elle est au hit-parade !

Nino Ferrer, grand amateur de jazz, débutait dans la chanson en 1959, en tant que contre-bassiste pour les Dixie Cats. Cependant, ce n’est qu’en 1965 qu’il atteindra la notoriété, et cela, d’une façon peu ordinaire. Le musicien d’origine italienne décide de composer un morceau qui va en contre-sens à la vague yé-yé, une chanson sur une chienne dénommée Mirza.Eddy Barclay, alors qu’il se trouvait un soir au Bilboquet, entendit Nino entonner cette chanson fort rigolote. Convaincu, il lui offrit un contrat et la chanson devint un hit. Si l’inspiration d’une chanson est souvent difficile à à savoir, cette goualante de Ferrer a cependant une histoire réelle. Inspirée par une chienne qu’aurait recueillie ses parents – et surnommée Lassie – le nom Mirza, lui, serait venu de l’oeuvre d’Hergé. Comme quoi le 9e art peut être une source inestimables pour les chanteurs et chanteuses à la recherche d’idées ! À ce propos, cela me rappelle un certain employé n’ouvrant jamais le courrier, même si c’est son travail. Vous savez, il s’appelle Gaston et répond encore moins au téléfon…

Mirza dans Tintin en Amérique

Mirza Le secret de la licorne

Reprises

Mirza sera chantée l’année suivante, en 1966, par les groupes pratiquement inconnus qui suivent : Bad Stone, Les Kems, ainsi que Les Soliloquys. La chanson sera également réutilisée dans les années 80, par Christie (alias Nina Morato) pour un 45 tours, avec deux autres titres de Ferrer : Oh Hé Hein Bon et Le téléfon.

Clin d’oeil

La première parodie ne se fit pas attendre et nous la devons à une chanteuse qui a aujourd’hui un peu sombré dans l’oubli : Suzanne Gabriello, la fille de l’acteur et parolier Gabriello. Sur la même musique pratiquement note pour note, Mirza est détournée au profit de Z’avez pas lu Kafka ? . Et si cela n’était pas assez évident pour les auditeurs, elle rajoute des Nino un peu partout pour marteler le fait qu’il s’agisse d’une parodie. Malheureusement, ce n’est pas une des plus réussies pour Suzanne G., car elle n’est pas toujours sur la note… Avant de faire la leçon aux autres, il faut être sûr de viser juste soi-même ! 

Suzanne Gabriello – Z’avez pas lu Kafka

 

Jacques Brel 67 L’humour de Nino Ferrer sembla contagieux et, s’il avait emprunté à un Belge le nom Mirza, ce n’était que justice si un autre citoyen du plat pays devrait le réutiliser. Il s’agit ici du grand Jacques qui, dans sa chanson tragicomique À jeun, invoque les malheurs d’un veuf tout récent. Alors, que le narrateur décrit tous ceux qui sont présents aux funérailles (beau-maman, belle-papa – ce qui indique son état d’esprit), il lâche un soudain « Z’avez pas vu Mirza« , certainement déplacé et absurde, mais qui ajoute de l’humour à la chanson. D’ailleurs, À jeun a été composée en 1967, peu de temps à peine après Mirza, et les auditeurs de l’époque ont dû relever la référence.    

Jacques Brel – À jeun

Paroles

Nino Ferrer – Mirza

Suzanne Gabriello – Z’avez pas lu Kafka ?

Jacques Brel – À jeun

Discographie

Pour Nino Ferrer

1965 – 45 tours EP : Mirza/Les cornichons/Il me faudra… Natacha/Ma vie pour rien

Pour Suzanne Gabriello

1966 – 45 tours SP : Les jolies colonies de la France/Votez hein bon !/Mon permis au mois d’août/Z’avez pas lu Kafka

Pour Jacques Brel

1967 – Jacques Brel 67 : Mon enfance/Le cheval/Mon père disait/La la la/Les coeurs tendres/Fils de …/Les bonbons 67/La chanson des vieux amants/À jeun/Le gaz

Sources

  • ENCYCLOPÉDISQUE [www.encyclopedisque.fr] Consulté le 25 janvier 2014.
  • HERGÉ. Tintin en Amérique. Tournai : Casterman, 1983, p. 45.
  • HERGÉ. Le secret de la licorne. Tournai : Casterman, 1974, p. 8.
  • PESSIS, J. Chronique des années yéyé. Sine loco : Éds. Chronique, 2013.