Le 26 décembre 1986, plusieurs artistes sont invités à l’émission « Apostrophe » de Bernard Pivot, dont Guy Béart, Louis Chédid et Serge Gainsbourg. Ce dernier, au piano, est interrogé par Pivot, qui mentionne entre autres choses son passé de peintre raté. L’homme à tête de chou, visiblement éméché et en mode Gainsbarre, se rappelle amèrement ses premières amours, en les qualifiant d’art majeur – contrairement aux chansons. Guy Béart, interpelé par cette pique provocatrice, lui réplique aussitôt que la chanson populaire a également ses lettres de noblesse – sur un ton quelque peu moralisateur pour certains – allant même jusqu’à inclure la cuisine aux rangs des arts majeurs.
Selon la logique de Gainsbourg, un art qui n’a pas besoin d’initiation n’est pas un art majeur. Il faut dire que chez les Muses, la chanson n’a pas sa place (à moins de la considérer comme art lyrique, ce qui serait plus que généreux) et qu’il y a de nombreux chansonniers sans grandes études littéraires (Trenet, Brassens, Brel, Gainsbourg lui-même…). Cependant, selon Michel Trihoreau, si Gainsbourg oppose les notions de classicisme et de populaire en musique, Béart, quant à lui, concluait plutôt que la chanson ne peut être majeure qu’en son résultat.
Enfin, si Béart n’est pas considéré comme un polémiste de première, Gainsbourg, lui, n’aura pas fini de faire parler de ses apparences télévisuelles…
Sources
- TRIHOREAU, M. La chanson de proximité : Caveaux, cabarets et autres petits lieux. Paris : L’Harmattan, 2010, p. 104.