Un succès sur toutes les lèvres – Les sucettes

En 1966, France Gall n’a que dix-neuf ans mais sa carrière musicale en est à sa quatrième année; sur les conseils de son père, le parolier Robert Gall, elle a enregistré quelques chansons dès 1963. Si « Babou » obtient un premier succès avec Sacré Charlemagne, c’est sa collaboration avec Serge Gainsbourg qui lui fait accéder au statut de star. En effet, l’homme à tête de chou éprouve des difficultés à s’imposer comme chanteur, et cultive un nombre d’interprètes féminines pour certains de ses morceaux. Une de ses compositions, Poupée de cire, poupée de sonpermettra justement à la Lolita française de remporter l’Eurovision en 1965 au profit du Luxembourg. L’année suivante, Gainsbourg tente de récidiver en lui présentant Les sucettes, une goualante sur le thème des friandises, à première écoute inoffensive; l’idée lui serait venu lorsque la jeune femme lui aurait avoué aimer les bonbons à l’anis. France Gall l’entend et cela lui plaît tant qu’elle décide de la graver sur disque au studio Blanqui à Paris (sous la direction d’Alain Goraguer) sans jamais se douter du double sens présent. Le vidéoclip tourné pour la chanson évoque quant à lui des sucettes un peu plus phalliques…

La mélodie à la fois simple et enfantine est particulièrement efficace auprès des Français, et le 45 tours se vend assez bien. Si France Gall n’y voit au début que du feu, quelques esprits mal tournés ont compris le second degré qu’y a inséré le parolier; des rires moqueurs se font entendre lors des prestations de ladite pièce. Un jour, Gainsbourg lui demande à quoi Les sucettes font référence, et la jolie blonde de répondre naïvement qu’il s’agit de l’histoire d’une jeune fille qui achète des bonbons. C’est au retour d’un voyage au Japon qu’elle apprend la vérité de la part de Jean-Christophe Averty, sur un plateau de télévision; blessée et déçue, la jeune chanteuse jurera de ne plus jamais l’interpréter. Elle confiera un jour à Philippe Constantin l’avoir enregistré sans arrière pensée et, une fois la supercherie découverte, elle n’éprouve pas la moindre envie de sortir de chez elle. Lorsqu’on lui demandera par la suite pourquoi cette goualante controversée n’était plus à son répertoire, France répondra que ce n’était plus de son âge.

Quant à Gainsbourg, il a remporté son pari d’emberlificoter à la fois Gall, son public et les radios qui diffusent en masse cette chanson, en contournant de façon maligne la censure assez lourde de l’époque. Il l’enregistrera lui-même quelques années plus tard pour son album avec Jane Birkin, sorti en 1969…

Serge Gainsbourg – Les sucettes

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Paroles

Serge Gainsbourg – Les sucettes

France Gall – Les sucettes

Sources

  • ABRIAL, L. ET LECOEUVRE, F. Petites histoires des grandes chansons. Éditions du Rocher, 2017.
  • ECLIMONT, C. L. 1000 Chansons françaises de 1920 à nos jours. Paris : Flammarion, 2012, p. 279-280.
  • PERNEZ, P. France Gall : Comme une histoire d’amour. City Edition, 2015

Droits d’auteur

Ar brezhoneg eo ma bro – Gilles Servat, le chantre breton

Gilles Servat était destiné par ses ancêtres à une carrière à la fois artistique et politiquement engagé pour la Bretagne. Du côté paternel, son arrière-grand-père André dit Carrache était un montreur d’ours à Ustou, en Ariège; après une tentative ratée de se rendre en Amérique – la bête étant morte du mal de mer – il est revenu s’installer à Saumur. Son grand-père Gaston s’implantera à Nantes où il deviendra conseiller général de Vallet et même adjoint du maire, et c’est là que naîtra le père de Gilles, André; ce dernier conservera tout au long de sa vie des liens serrés avec Nantes, liens qu’il communiquera à son fils. Du côté de sa mère, originaire du Croisic, on parle encore en famille un dialecte breton, le bigouden. C’est là qu’il entendra pour la première fois parler cette langue de laquelle il deviendra plus tard un ardent défenseur. Gilles Servat est donc de culture bretonne par ses deux parents.

Né le 1er février 1945 à Tarbes, Servat grandit à Cholet, avec ses parents et ses deux frères. D’abord peu enclin aux études, il obtient son baccalauréat en 1963, en faisant des études littéraires. Puis, il entre à l’école des Beaux-Arts d’Angers afin d’y apprendre la peinture, la sculpture et la gravure. Toutefois, le courant à l’époque est à l’art conceptuel, ce qui ne lui plaît pas du tout; sa rencontre fortuite avec Serge Bihan, de même que l’esprit de mai 68, sont révélateurs pour lui et influencent sa décision à s’orienter vers la chanson. S’il chante déjà du Brassens, du Ferré, du Bruant et des traductions de Dylan, Servat est encouragé par Bihan qui l’emmène donner son premier récital à Rennes, en Bretagne. Inscrit aux Beaux-Arts de Paris, il n’y restera qu’un seul jour avant d’aller confectionner des marionnettes avec Jean-Pierre Lescot. Entre temps, il a découvert l’île de Groix, grâce à Bihan, et se met à lire un poète local qui écrit en breton, Yann-Ber Kalloc’h; une ferveur à la fois révolutionnaire et culturelle est en train de bouillonner en lui. Gilles Servat se met en tête d’apprendre la langue bretonne et la première goualante qu’il interprètera dans cet idiome sera un poème de Kalloc’h, Me zo ganet e kreiz ar mor. Il consacrera également une pièce à cette commune insulaire qui l’a transformé, intitulée tout simplement L’île de Groix.

Gilles Servat – Me zo ganet e kreiz ar mor

Gilles Servat – L’île de Groix

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Alors qu’il chante dans un restaurant sur l’île de Groix, chez Claude Pouzoulic, Gilles Servat fait la rencontre d’un autre barde breton, Émile Le Scanff dit Glenmor (connu de nos lecteurs pour être le célèbre Émile de la goualante Le Moribond, de Brel). Ce dernier manie déjà la parole comme une arme politique – il a créé le chant de marche de l’Armée révolutionnaire bretonne (Kan bale an ARB) – et influence grandement Gilles qui le met à son panthéon de maîtres à penser, avec Ferré et Brassens. Lorsque Servat s’exile à Paris, il ira rejoindre Glenmor au Ti Jos, le « café national » des Bretons situé à Montparnasse; cet isolement loin de la côte armoricaine lui permettra de composer ses meilleures ritournelles. Il crée entre autres Montparnasse Blues, pour souligner son mal du pays, et La Blanche Hermine, une protest song qui émerveille, émeut ou dérange le public venu l’entendre. Aujourd’hui, cette dernière peut être considérée comme un hymne non-officiel de la Bretagne.

Gilles Servat – La Blanche Hermine

Gilles Servat – Montparnasse Blues

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Les années 70 sont particulièrement fructueuses pour le chanteur, puisque les contestations battent leur plein en France pour un nombre de raisons (sociales, économiques, écologiques). En 1971, après avoir bien rodé son tour de chant, Gilles Servat sort son premier 45 tours (La Blanche Hermine/Kalondour) sur le label Kelenn créé par Glenmor, Alain Guel et Xavier Grall. L’année d’après, c’est un 33 tours enregistré à Dublin que sort le chansonnier breton, et l’album contient plusieurs goualantes réussies. Notons au passage Koc’h ki gwenn ha koc’h ki du, écrite par le père de Servat; ce dernier était irrité par la scission de la Bretagne historique qui perdait ainsi la Loire inférieure (Loire-Atlantique actuelle) au profit du Pays de la Loire. Il y a aussi Les Prolétaires, dans lequel il aborde à la fois le problème de l’exode rural, ainsi que la précarité des emplois dans les grandes villes, où certains travailleurs se font exploiter.

Gilles Servat – Koc’h ki gwenn ha koc’h ki du

Gilles Servat – Les Prolétaires

Après le 33 tours Ki Du, c’est sur Kalondour qu’il sort ses prochains albums, au rythme d’un par année; son dernier opus sur ce label sera un disque hommage à René Guy Cadou, un poète qui fut l’instituteur de sa mère, Renée Litou. Mentionnons au passage que l’engagement à gauche de Gilles Servat est toujours au centre de son oeuvre; il participe au collectif Skoazell Vreizh soutenant les prisonniers politiques de Bretagne, et interprète pour son album L’Hirondelle la pièce Gwerz Victor C’hara, un chant breton dédié au chanteur chilien Victor Jara assassiné en 1973. Il est également adepte d’un anticléricalisme convaincu et militant, ce qu’il rappelle tendrement dans Chanson pour le baptême de Virginie, pour sa fille.

Gilles Servat – Litanies pour l’an 2000 (L’Hirondelle)

Gilles Servat – Gwerz Victor C’hara (L’Hirondelle)

Gilles Servat – Chanson pour le baptême de Virginie (Le Pouvoir des Mots)

Gilles Servat – Le testament (Hommage à René Guy Cadou)

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Si Gilles Servat s’éloigne quelque peu du militantisme politique suivant son album hommage à Cadou – il quitte l’UDB (Union Démocratique Bretonne) en 1981 et chante Je ne hurlerai pas avec les loups, marquant son refus de la violence au nom d’un idéal – son amour pour la Bretagne demeure par son support indéfectible à Diwan (écoles de langue bretonne). Désormais, ses créations explorent des thèmes plus intimes et introspectifs, comme l’amour, et des réflexions sur la nature; il publie également un premier roman, La naissance d’Arcturus, une épopée inspirée par la société celtique ancienne. En 1988, son album Mad in Sérénité obtient le prestigieux Grand Prix de l’Académie Charles-Cros, de même que le Prix Régional de Bretagne.

Dans les années 90, le chansonnier breton travaille de concert avec An Triskell, un duo d’harpistes, pour l’album L’albatros fou; après un enregistrement à Brest, cette collaboration donnera lieu à un spectacle qui fera une tournée dans les festivals bretons, ainsi qu’au Pays de Galles et en Écosse. En 1992, Servat s’envole vers Tahiti, effectuant le trajet qu’empruntait un peintre qu’il admirait beaucoup, Paul Gauguin. La même année, il enregistre Le Fleuve, inspiré par la Loire, où selon ses dires les textes qu’il écrit ne parlent que d’une partie, « [c]elle du milieu, où il coule et traverse les pays ». Puis, il rejoint Dan Ar Braz aux Fêtes de Cornouaille à Quimper pour faire partie du projet Héritage des Celtes, un festival de musique celtique. De cette association naîtra plusieurs albums, dont le dernier (Célébration d’un héritage) qui est lancé en 2014; si le son breton obtient une « certaine reconnaissance internationale » grâce à cet effort collectif, marqué par deux Victoires de la musique en France, l’accueil sera un peu mitigé dans les pays celtes.

En 1998, en réponse au Front National qui entonne La Blanche Hermine dans ses assemblées, Gilles Servat crée Touche pas à la blanche hermine, un texte qu’il récite devant public. Dans cette diatribe contre le FN, qu’il qualifie de « parti des aveugles que domine un führer borgne », il martèle que leur combat est loin d’être le même, soulignant que l’hermine a la queue noire et que son pelage en été devient brun, « couleur la plus métisse qui soit ».

Gilles Servat – Je ne hurlerai pas avec les loups (1ère partie)

Gilles Servat – Le chemin bleu (Mad in Sérénité)

Gilles Servat – Le moulin de Guérande (L’Albatros fou)

Gilles Servat – Touche pas à la blanche hermine

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Depuis l’an 2000, le chantre bretonnant continue de chanter et d’écrire. À l’occasion du festival des Vieilles Charrues de 2001, Gilles Servat crée de toutes pièces le spectacle Bretagne, nous te ferons. Puis, en 2003, il reçoit le prestigieux collier de l’Ordre de l’Hermine qui récompense tout individu ayant contribué au rayonnement de la Bretagne; dans son cas, nous pouvons affirmer qu’il s’agit là d’un honneur amplement mérité. Et, afin de remercier son public, il sort en 2006 un best of des chansons les plus appréciées de ses fans, intitulé Je vous emporte dans mon coeur, qui comporte 35 titres pour souligner ses 35 ans de carrière. Invariablement passionné par son coin de pays,  Servat vient tout juste de sortir son dernier opus en 2017, 70 ans… à l’Ouest.

Gilles Servat atteindra bientôt le plateau des 50 ans de carrière, un parcours qui en dit long sur son amour de la culture bretonne, tantôt engagé, tantôt contemplatif, le Gwenn ha du flottant toujours au creux de son coeur, au gré du vent, au gré du temps.

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Paroles

Gilles Servat – Chanson pour le baptême de Virginie
Gilles Servat – Je ne hurlerai pas avec les loups
Gilles Servat – Koc’h ki gwenn ha koc’h ki du
Gilles Servat – La Blanche Hermine
Gilles Servat – Le chemin bleu
Gilles Servat – Le moulin de Guérande
Gilles Servat – Les Prolétaires
Gilles Servat – Le testament
Gilles Servat – L’île de Groix
Gilles Servat – Litanies pour l’an 2000
Gilles Servat – Montparnasse Blues
Gilles Servat – Touche pas à la Blanche Hermine

Discographie

Pour Gilles Servat

1971 – Gilles Servat [45 tours] : La Blanche Hermine/Kalondour

1971 – La Blanche Hermine [33 tours]

1972 – Lo Païs [45 tours] : An Alarc’h/Les Colonies

1973 – Ki Du [33 tours]

1973 – Kalondour [45 tours] : Kalondour/Crubelz

1973 – Bretagne d’aujourd’hui [33 tours/Compil.]

1974 – L’Hirondelle [33 tours]

1975 – La Liberté brille dans la nuit [33 tours]

1976 – Le Pouvoir des mots [33 tours]

1977 – Chantez la vie, l’amour et la mort [33 tours]

1979 – L’Or et le Cuivre [33 tours]

1980 – Hommage à René Guy Cadou [33 tours]

1981 – Gilles Servat en public [33 tours]

1982 – Je ne hurlerai pas avec les loups [33 tours]

1982 – 15 ans de chansons [33 tours/Compil.]

1982 – Gros-Plant et Muscadet [45 tours] : Gros-Plant et Muscadet/La Gueule pleine de vin rouge

1985 – La Douleur d’aimer [33 tours]

1988 – Mad in Sérénité [CD]

1992 – Le Fleuve [CD]

1993 – L’Albatros fou [CD]

1994 – Les Albums de la Jeunesse [CD]

1994 – A-raok mont kuit [CD]

1996 – Sur les quais de Dublin [CD]

1996 – Litanies pour l’an 2000 [CD/Compil.]

1998 – Touche pas à la blanche hermine [CD]

2000 – Comme je voudrai ! [CD]

2003 – Escales [CD/Compil.]

2005 – Sous le ciel de cuivre et d’eau [CD]

2006 – Je vous emporte dans mon coeur (35 ans – 35 tires) [2CD]

2010 – Best of Gilles Servat : 40 ans de succès [2CD/Compil.]

2011 – Ailes et îles [CD]

2013 – C’est ça qu’on aime vivre avec [CD]

2017 – 70 ans… à l’Ouest [CD]

Collaboration avec Dan Ar Braz

1994 – Héritage des Celtes [CD]

1995 – En Concert [CD]

1997 – Finisterres [CD]

1998 – Zénith [CD]

1999 – Bretagne à Bercy [CD/DVD]

2003 – Nuit celtique 2002 au Stade de France [CD]

2014 – Célébration d’un héritage [CD]

Sources

Les 100 ans de Suzy Delair

Le 31 décembre 1917 nait Suzanne Pierrette Delaire dans le 18e arrondissement de Paris, dans une famille modeste. Sa mère, Thérèse Nicola est couturière et son père, Clovis-Mathieu Delaire, est quant à lui brossier. Elle est d’abord apprentie-modiste, mais la scène est l’étoffe dont sont faits ses rêves; la jeune Suzy aspire à être une artiste. Rapidement, la jeune femme s’illustre au music-hall et au théâtre alors qu’elle n’a que seize ans, se faisant remarquer par des légendes comme Marie Dubas ou Mistinguett. Bien vite, elle passe devant la caméra, enchaînant quelques petits rôles au début des années 30 (notons au passage une apparition dans La dame de chez Maxim’s d’Alexandre Korda). Mais c’est dans l’opérette que la pétillante Suzy se fera un nom, avec sa voix claire de mezzo-soprano et sa candeur rafraichissante.

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C’est véritablement dans les années 40 que Suzy Delair atteint son apogée, en tournant pour son amant Henri-Georges Clouzot; elle incarne Mila Malou – une aspirante vedette – dans deux films mettant en vedette Pierre Fresnay dans le rôle de Monsieur Wens (L’assassin habite au 21Le dernier des six). Sa nature enquiquineuse, mais dotée d’un charisme indéniable, transparait à l’écran. Si elle est désormais une star, son éclat est malheureusement terni par une affaire assez grave: sous l’Occupation, elle manifeste des sympathies pro-allemandes, allant même jusqu’à visiter le troisième Reich en compagnie de plusieurs autres artistes, comme Albert Préjean, René Dary ou Danielle Darrieux. À la Libération, Delair est emprisonnée trois mois avant d’être enfin relâchée. Puis, en 1946, la grande dame reprend avec Clouzot en partageant la vedette avec Bernard Blier et Louis Jouvet dans l’excellent Quai des Orfèvres, qui met une fois de plus son talent de chanteuse à l’avant-scène. Suzy Delair y interprète deux goualantes taillées sur mesure pour elle, gracieuseté d’André Hornez et de Francis Lopez. 

Suzy Delair – Avec son tra-la-la

Suzy Delair – Danse avec moi

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Puis, dans les années 50 et 60, elle enchaîne quelques rôles au grand écran, comme dans Lady Paname, où elle incarne une artiste de la Belle Époque (comme la grande Mistinguett qui l’avait découverte), Gervaise de René Clément ou encore Rocco et ses frères de Visconti. Parallèlement à sa carrière d’actrice, Suzy Delair continue de chanter, interprétant des classiques de la chanson française ou des chansons-titres de ses films (Du t’ça dans Lady PanameTu peux pas t’figurer dans Atoll KMoi, j’coûte cher dans Gervaise). Après avoir joué la femme de Louis de Funès dans Les aventures de Rabbi Jacob, ses apparitions au cinéma et à la télévision se feront désormais très rares. La grande dame a depuis tiré sa révérence, et accumule les honneurs qui lui sont dus. Ainsi, en 2004, la Cinémathèque française lui rend hommage en présentant plusieurs de ses films; on réédite ses succès passés (Suzy Delair: Lady Paname en 2006) et la République française lui octroie le grade d’Officier de la Légion d’honneur en 2007. 

Nous aimerions profiter de son centenaire pour lui souhaiter un très joyeux anniversaire !

Suzy Delair – Du t’ça

Suzy Delair – Tu peux pas t’figurer

Suzy Delair – Moi, j’coûte cher

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Paroles

Suzy Delair – Avec son tra-la-la
Suzy Delair – Danse avec moi
Suzy Delair – Du t’ça
Suzy Delair – Moi, j’coûte cher
Suzy Delair – Tu peux pas t’figurer

Sources

  • BOROWICE, Y. Les femmes de la chanson: deux cents portraits de 1850 à nos jours. Paris: Éditions Textuel, 2010, p. 63.
  • CERTIFICAT DE NAISSANCE DE SUZY DELAIR [http://www.cineartistes.com/?page=images&id=1278&type=3] Consulté le 2 janvier 2018.
  • COSTON, H. L’âge d’or des années noires: Le cinéma, arme de guerre ? Publications H. Coston, 1996, p. 97.

Une résolution pour la nouvelle année – Perdre du poids en chansons

Connu jusqu’à alors pour sa physionomie costaude, Georges Brassens perd subitement beaucoup de poids dans les années 60. Cet amaigrissement soudain ne passe pas inaperçu et les journaux à potins en font leurs choux gras. Une rumeur commence alors à se répandre selon laquelle il serait atteint de « ce mal mystérieux dont on cache le nom », c’est-à-dire le cancer. Ne désirant plus défrayer les manchettes nécrologiques, le chanteur sétois crée Le bulletin de santé, sortie sur son neuvième disque, en 1966. Dans cette chanson, Brassens explique que si sa taille s’est amincie, ce n’est pas dû à une maladie, mais bien parce qu’il… fait l’amour frénétiquement. Comme quoi tous les moyens sont bons pour perdre ces quelques kilos en trop qui nous encombrent, et au Diable les régimes !

Brassens profite même au passage pour égratigner ces gratte-papiers en les cocufiant – un thème qui est cher au pornographe du phonographe. Or, souffrant d’une « modestie maladive », il avoue toutefois qu’aucune de ses partenaires ne l’a félicité pour sa performance. Pauvre Georges !

Georges Brassens – Le bulletin de santé

Notons que cette goualante se termine par la strophe suivante: Je suis hanté, le rut, le rut, le rut, le rut. Il s’agit là d’une référence au poème L’Azur, de Stéphane Mallarmé, dont le dernier vers se lit comme suit: Je suis hanté, l’azur, l’azur, l’azur, l’azur

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Quatre ans plus tard, c’est au tour d’Enrico Macias d’endisquer une pièce sur un sujet similaire pour un 45 tours. Écrite par Michel Jourdan et Jacques Demarny, la chanson ne relate pas cette fois-ci d’une perte de poids causée par un excès de sexe, mais bien grâce à un régime en bonne et due forme. S’il est difficile de savoir quelle méthode le chanteur d’origine algérienne suit au juste, on peut noter certains détails: plus de paella, plus de tchoukchouka (une sorte de ratatouille de poivrons, de tomates, d’oignons et de piments, souvent agrémentée d’oeufs) et plus de merguez. Il doit désormais se contenter de thé, de biscottes et de riz bouilli – de quoi décourager les plus téméraires – afin de ressembler à Françoise Hardy. À la fin de la chanson, son complice Martial Ayela a raison de la volonté de Macias en lui offrant un couscous qu’il ne peut refuser…

Enrico Macias – J’ai perdu 25 kilos

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Paroles

Georges Brassens – Le bulletin de santé

Enrico Macias – J’ai perdu 25 kilos

Sources

 

 

Pénurie et restrictions sous l’Occupation – Les Jours Sans

Auteur: Archives Ville de Brest

Lorsque la France entre en guerre contre les forces de l’Axe en 1939, le gouvernement commence à rationner les produits de consommation, en particulier la nourriture. Suite à la défaite, cet état de fait empire sous l’Occupation car l’État français est obligé de rémunérer l’armée allemande qui occupe son territoire à coup de 400 millions de Francs (anciens) par jour ! Des cartes de rationnement sont émises à toute la population, et celles-ci octroient à chaque citoyen le droit d’acheter quotidiennement de la viande, du sucre, du pain, du charbon ou du tabac en petites quantités, certaines denrées étant plus rares que d’autres. Le pourcentage de grammes alloués par personne était évidemment en dessous de ce que recommande présentement le guide alimentaire mondial, mais en temps de crise, vaut mieux se mettre quelque chose sous la dent que rien du tout.

Si un système de ravitaillement était déjà en place dû au décret tombé le 10 mars 1940, c’est après l’armistice qu’un changement de régime autant politique qu’alimentaire s’opère. En effet, dès le mois d’août, c’est le pain, le sucre et les pâtes qui sont rationnés; quelques mois plus tard, c’est au tour de la viande, du beurre, du fromage, du café, de la charcuterie, des oeufs et de l’huile de l’être également. L’année suivante, c’est le chocolat, les légumes secs, les poissons, les pommes de terre, le lait et le vin. Pour équilibrer la distribution de nourriture et de textiles, la population est divisée en huit catégories: E (enfants de 0 à 3 ans), J1 (enfants de 3 à 6 ans), J2 (enfants de 6 à 12 ans), J3 (enfants de 13 à 21 ans ainsi que les femmes enceintes), A (personnes de 12 à 70 ans), V (vieillards de plus de 70 ans), T (travailleurs  de 14 à 70 exerçant un métier pénible) et C (personnes se livrant aux travaux agricoles). Tout cela durera pendant dix ans puisque ce n’est qu’en 1949 que la France mettra fin aux cartes de rationnement.

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Évidemment, après la défaite de 1940, le moral des Français est au plus bas, et les pénuries ne font rien pour le remonter. Mais contre mauvaise fortune bon coeur, on commence à prendre cela avec un peu plus de légèreté; en effet, quelques chansons de l’époque se moqueront ouvertement des circonstances, soulignant le comique d’une situation a priori déprimante. Après tout, le rire n’est-il pas le meilleur des remèdes ? En 1942, c’est Fernandel qui marque les esprits avec sa célèbre Les Jours Sans, soulignant la privation qui affecte la population française au quotidien. Sur une musique composée par le regretté Casimir Oberfeld, le titre deviendra une expression courante pour indiquer que quelque chose manque, inspirant peut-être un bon nombre de chansons françaises ultérieures. Notons que l’année d’avant, une collaboration entre le chanteur Georgius et le compositeur Rawson avait abouti à la pièce Elle a un stock, une goualante humoristique sur une femme – appelée Madame Duchnock – qui fait des provisions qu’elle cache un peu partout dans sa maison. Une autre ritournelle contemporaine évoque aussi un personnage qui, même s’il n’a pas fait de provisions de bouche, accumule un tout autre stock; Jacques Pills, dans Le Marché rose, estime que l’amour demeure la meilleure des denrées à échanger de façon clandestine. 

Fernandel – Les Jours Sans

Georgius – Elle a un stock

Jacques Pills – Le Marché rose

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Cependant, les rationnements n’affectent pas seulement la nourriture, comme le marque la chanson de Pills: « D’accord, je n’ai plus que le Saint Christophe de mon auto/D’accord, si j’avais des pneus, j’irais à vélo/D’accord, pour avoir des pneus, il faut du charbon ». Des voitures sont réquisitionnées, l’essence et le charbon sont rationnés et de fréquentes pannes de métro ont lieu à cause des restrictions. C’est une goualante de Jean Boyer, Pour me rendre à mon bureau, qui détaillera de façon amusante cet état de fait. Dans cette pièce, le protagoniste tente en vain de se déplacer sous l’Occupation, alors que tour à tour ses moyens de locomotion aboutissent à un échec. Si c’est Georges Tabet qui l’a originalement créé en 1943, c’est un autre Georges – Brassens, celui-là – qui la reprendra en 1980 pour l’album Georges Brassens chante les chansons de sa jeunesse, en omettant toutefois la dernière strophe pour finir de façon plus philosophe.

Georges Tabet – Pour me rendre à mon bureau

Georges Brassens – Pour me rendre à mon bureau

Pour souligner cette période de la vie française, une exposition temporaire a présentement lieu à Lyon, au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation, et se terminera fin février 2018. Pour plus d’informations, cliquez sur ce lien.

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Paroles

Georges Brassens – Pour me rendre à mon bureau

Fernandel – Les Jours Sans

Georgius – Elle a un stock

Jacques Pills – Le Marché rose

Georges Tabet – Pour me rendre à mon bureau

Sources