Le Monocle chante juste

Paul Meurisse, connu surtout pour ses prestations dans la série des Monocles et dans Les Diaboliques, a débuté sa carrière…dans la chanson ! Il n’a que vingt-quatre ans lorsqu’il monte à Paris et remporte un radio-crochet. Le Dunkerquois deviendra d’abord boy au Trianon, chantant des chansons joyeuses de façon lugubre (1). Le « Humphrey Bogart français » se produit alors dans les cabarets, notamment au Petit Casino, à l’A.B.C. – c’est là d’ailleurs qu’Édith Piaf le verra interpréter « la Môme-Caoutchouc » (2). En automne 1939, Meurisse passe à l’Amiral et Piaf continue d’admirer son tour de chant, elle-même engagée juste à côté, au Night-Club, et qui doit lui faire compétition (3). La fréquentation de la star vaudra à Paul Meurisse une exposition médiatique plus que suffisante : le couple apparaîtra côte-à-côte dans un film, Montmartre-sur-Seine, et dans une pièce de théâtre de Guitry, Le Bel Indifférent.

 Mais leur relation amoureuse ne dure pas éternellement… Leur union est rompue en 1942, et la carrière d’acteur de Paul Meurisse est lancée ; Piaf, quant à elle, cultivera des relations avec d’autres jeunes talents prometteurs – Montand, Moustaki, Aznavour, Claude Léveillée… En 1943, l’année suivant leur rupture, Paul Meurisse enregistre chez Pathé Marconi un 78 tours contenant deux chansons : Notre tango et Margot la ventouse (4). Il semble d’ailleurs que cela ait été les seules qu’il gravera sur disque.

Paul Meurisse – Margot la ventouse

Sur le grand écran, Meurisse interprétera quelques goualantes de son tour de chant dans Vingt-quatre heures de perm’, film tourné en 1940 et projeté en 1945 (1). En 1944, le Dunkerquois chante à l’Européen…

Témoignage

Régine Reyne, dans son autobiographie, se souvient de ses tours de chant et raconte : « Si vous n’avez jamais vu Paul Meurisse dans son tour de chant sur scène, vous ne pouvez vous imaginer l’effet qu’il produisait en raison du contraste qu’il y avait entre sa personnalité et le texte insolite de ses chansons. Pas un sourire sur son visage impassible tandis qu’il débitait des inepties incroyables […] Derrière le regard perçant de Paul Meurisse on percevait une ironie sous-jacente, absolument dénuée de méchanceté » (4).

Une fois devenu une véritable vedette de cinéma, Paul Meurisse abandonnera définitivement la chanson à la fin des années 40. Cependant, grâce à Georges Lautner, il se produira une dernière fois dans le film Le Monocle rit jaune. Cernés par des ennemis, le Monocle et ses deux acolytes (Robert Dalban et Marcel Dalio) doivent avertir leurs alliés avec le signal qui avait été convenu : entonner l’air de Ma Normandie. Véritablement testament visuel pour ceux qui n’auraient pu jamais le voir au cabaret, ce court extrait permet d’apprécier le flegme et la maîtrise avec lesquels Meurisse interprétait ses chansons.


 
Répertoire (incomplet)

Fernando
Histoire d’un mec
L’Homme des bars
La Barbe de mon grand-père
La Môme-Caoutchouc
Le Colonel a fait une valse
Les Bonnets à poil et à plumes
Margot la ventouse
Mon coeur est plein d’espoir

Notre tango
Non, non, non, je ne suis pas swing
Parce qu’elle était swing
Un tango… c’est un tango

Sources