La doyenne de la chanson française s’éteint – Le parcours de Leo Marjane

Le 18 décembre décédait Leo Marjane, défrayant la manchette une dernière fois après une carrière de renommée mondiale. Une petite recherche révèle cependant que les sources ne s’accordent pas sur plusieurs détails; pour les uns, elle serait née Thérèse Gendebien en 1912, et pour les autres, elle aurait vu le jour en 1918. On lui accorde tantôt le désir de devenir avocate, acrobate ou encore écuyère, autant de professions qu’elle laissera au profit de la chanson. Et pour cause, car sa voix de contralto la destinait à ce métier, qu’elle débute dans les cabarets marseillais, à l’Eldorado et à l’Alcazar; c’est justement dans la même ville qu’elle rencontre son futur mari Raymondey (Raymond Gérard). C’est alors qu’elle monte à Paris en 1931 avant de se produire dans différentes boîtes un peu partout dans la capitale et enregistre l’année suivante ses premières goualantes chez Gramophone, Les Prisons et Paris-Noël. La carrière de Léo Marjane est lancée!

Leo Marjane – Paris-Noël

Leo Marjane – Les Prisons

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Après quelques enregistrements chez Columbia et Ultraphone, c’est toutefois quelques années plus tard, en 1937, qu’elle grave sur disque son premier succès, La chapelle au clair de Lune, une adaptation d’une chanson populaire écrite par Billy Hill et créée par Shep Fields. C’est un véritable triomphe pour la jeune vedette qui n’a alors que vingt-cinq ans; sollicitée de toute part, elle quitte la France pour les États-Unis, où elle découvrira le jazz en compagnie de Jean Sablon et Jacqueline François. Lors de son retour au pays natal en 1941, Marjane rapportera dans ses valises des souvenirs de l’Amérique, dont des conseils vestimentaires de Ginger Rogers (!) et des adaptations de Over the Rainbow et Begin the Beguine.

Leo Marjane – La chapelle au clair de Lune

Leo Marjane – L’Arc-en-ciel

Leo Marjane – Divine Biguine

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Son retour en France se fait toutefois sous d’étranges auspices; c’est sous le ciel d’étoiles ternies du Maréchal Pétain que brillera de tous feux son statut de star. Marjane fait la tournée des cabarets et y accumule les succès, dont (Je suis) Seule ce soir, une création de Rose Noël et Jean Casanova, sur une musique de Paul Durant. Désormais, la scène parisienne est divisée entre la chanteuse d’origine boulonnaise et la Piaf! S’il s’agit d’un véritable triomphe pour elle, il y a cependant une ombre au tableau: de nombreux Nazis viennent l’applaudir tous les soirs et, en 1942, elle chante une adaptation française de Lili Marlène, la chanson de marche de l’Afrika Korps… Il n’en faut pas moins pour que de mauvaises langues insinuent son penchant pour le 3e Reich. Et pourtant, il n’en est rien!

En effet, son deuxième mari, le Colonel Charles de Ladoucette, faisait partie d’un réseau de la Résistance financé… par nulle autre qu’elle même! De plus, la petite histoire rapporte que l’artiste aurait supposément entonné Bei mir bist Du schön, chanson originalement écrite en yiddish en plein Paris occupé! 

Leo Marjane – (Je suis) Seule ce soir

Leo Marjane – Bei Mir bist Du Schön

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À la Libération, Marjane sera questionnée par le comité d’épuration, et sera éventuellement lavée de tous soupçons – elle est cependant frappée d’interdiction de travailler jusqu’au début des années 50. Si l’avenir de la France semble prometteur, on ne peut en dire autant du sien; la chanteuse commence à perdre petit à petit la faveur du public et des critiques au profit d’Édith Piaf. Dès 1945, elle entame une séries de tournées (en Angleterre, en Belgique, en Russie, au Québec ou encore au Brésil) et continue à enregistrer en studio, comme Mademoiselle Hortensia ou encore Mets deux thunes dans l’bastringue. Cela ne suffira pas à maintenir sa carrière, à laquelle elle renoncera finalement en 1961.

Lors de son centenaire fêté à Barbizon, Marjane a accordé une entrevue à Marie-Christine Morosi au sujet de ses années passées dans le milieu de la chanson. À la question lui demandant quelle(s) chanson(s) de son répertoire il fallait retenir, la grande dame a répondu: À Shanghai ou ailleurs et On m’a volé tout ça. Laissons-nous sur ses deux goualantes en guise de dernier souvenir de la grande dame de la chanson que fut Leo Marjane. 

Leo Marjane – On m’a volé tout ça

Leo Marjane – À Shanghai ou ailleurs

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Paroles

Leo Marjane – À Shanghai ou ailleurs
Leo Marjane – Bei Mir bist Du schön
Leo Marjane – Divine biguine
Leo Marjane – (Je suis) Seule ce soir
Leo Marjane – La chapelle au clair de Lune
Leo Marjane – L’Arc-en-ciel
Leo Marjane – Les Prisons
Leo Marjane – On m’a volé tout ça
Leo Marjane – Paris-Noël

Sources

Droits d’auteur

  • La photo utilisée en couverture est une création de Laitche.

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