Une chanson qui dégrise – À jeun de Jacques Brel

En 1967, Jacques Brel sort un 33 tours intitulé tout simplement Jacques Brel 67 sur lequel il collabore particulièrement avec Gérard Jouannest; cet album est le premier à ne contenir que des chansons originales, sans être une compilation de 45 tours. Parmi les pièces dudit album, il se trouve À jeun, une pièce au titre ironique puisqu’elle met en scène un personnage ivre car il vient d’apprendre aux funérailles de sa femme Huguette qu’elle le trompait… avec son patron, André Dupneu ! D’ailleurs, un manuscrit nous apprend que le grand Jacques avait hésité entre « parfaitement à jeun » et « parfaitement poivré », un terme qui rappelle le mot « poivrot » employé dans sa pièce Jef

Crédit: Archive Bobbejaan Schoepen

Pourquoi Brel a-t-il recouru à ce subterfuge cocasse dès le départ ? Le ton donné ne relève pas seulement d’un humour narquois (le narrateur se dit à jeun, mais il ne l’est pas en réalité), mais révèle aussi l’esprit kafkaïen de la chanson. En effet, À jeun représente l’absurdité dans laquelle se trouve pris le protagoniste qui, outre la situation de départ énumérée ci-dessus, doit choisir dans son drame cornélien l’une des deux issues suivantes: frapper son ami André qui l’a cocufié, ou bien « gnougnougnafier » sa femme à son tour, par vengeance… Si le terme n’existe pas en français, on devine qu’il exprime faire des avances, et il rappelle le vocable peu usité « gougnafier », ce qui signifie être un bon à rien (peut-être Brel voulait souligner la personnalité de son pauvre cocu).

Enfin, il faut aussi remarquer que son ami André est chef du contentieux, c’est-à-dire qu’il dirige le service d’une entreprise chargé de résoudre les différends… comme celui que la narrateur a désormais avec son patron. Décidément, À jeun est une chanson conflictuelle à tous les points ! Nous pourrions conclure en déclarant que le protagoniste qu’incarne Brel est en train de dégriser, c’est-à-dire qu’il commence à faire cesser son ivresse, mais aussi qu’il perd ses illusions…

Jacques Brel – À jeun

Et il y a bien entendu le petit clin d’oeil à 1:57 que Brel fait à la chanson culte Mirza de Nino Ferrer !

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Paroles

Jacques Brel – À jeun

Sources

Une réflexion sur “Une chanson qui dégrise – À jeun de Jacques Brel

  1. Ping : Avez-vous vu Mirza ? Oui, elle est au hit-parade ! | Le Net plus ultra de la chanson française

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